« C’est une très vielle tradition sénégalaise. Cela remonte à très loin dans l’histoire politique du pays », explique un politologue.Au Sénégal, où des législatives se déroulent dimanche 31 juillet, les élections ne sont pas que l’affaire des hommes ou forces politiques. Dans cette ancienne colonie française, îlot de stabilité politique et modèle de laïcité démocratique en Afrique de l’Ouest, les rendez-vous électoraux sont aussi des moments majeurs pour les hommes de religion.
Alors que l’invalidation de la liste des candidats titulaires au scrutin proportionnel de la principale coalition de l’opposition, a fait craindre, a un moment, une campagne électorale particulièrement troublée, l’intervention des principales figures religieuses réclamant un scrutin sans violence, semble avoir lourdement pesé pour éviter que la bataille électorale déraille.
« Le pays n’appartient pas aux politiques. S’il était simplement laissé à eux, il serait déjà brulé », avait, notamment prévenu, le 10 juillet, l’Imam de la Grande mosquée de Dakar lors de la prière de l’ « Aid EL Kébir », communément appelé « Tabaski » en Afrique de l’Ouest qui coïncidait, cette année, avec le démarrage de la campagne électorale achevée vendredi 29.
Mame Libasse Lahi, Imam de la famille maraboutique des « Layéne », l’une des principales confréries soufies qui dominent l’Islam dont se réclament 95% de la population sénégalaise, a ouvertement appelé les fidèles à se méfier des « gens qui désirent ardemment le pouvoir ». Pour lui, « tout homme qui aspire à diriger le pays doit savoir qu’il s’engage dans une entreprise difficile, car ses charges sont lourdes ».
Le coordinateur du Collectif « And Samm Jikko Yi » (Ensemble pour la préservation des valeurs), Ababacar Mboup, a, lui, martelé que « le Sénégal ne peut pas se faire dans la violence. Que ce soit ceux qui incarnent les institutions, c’est-à-dire la majorité ou l’opposition ».
Une tradition sénégalaise
« C’est une très vielle tradition sénégalaise. Cela remonte à très loin dans l’histoire politique du pays. Depuis l’époque coloniale, les religieux ont toujours eu une place prépondérante au sein de la société et surtout par rapport à la chose politique », explique le politologue sénégalais, Bacary Domingué Mané.
« On se souvient des évènements de mars dernier (des manifestations ont éclaté à Dakar et dans certains centre urbains du pays après l’interpellation d’Ousmane Sonko, principale leader de l’opposition) dans une affaire de viol présumé sur une jeune masseuse), durant lesquels les religieux sont intervenus pour demander aux hommes politiques d’éviter de mettre l’huile sur le feu. Finalement, l’opposition a accepté la main tendue des religieux. C’est pour dire qu’ils sont entendus et respectés », rappelle-t-il.
Dans ce pays où la population est à plus de 90% musulmane, le responsable des autres ont, eux aussi, toujours joué les médiateurs entre acteurs politiques.
Lors des élections présidentielles de 2007 et de 2012, l’Archidiocèse de Dakar dirigée actuellement par Monseigneur Benjamin Ndiaye, a appelé les acteurs politiques à concourir en veillant à la sauvegarde de la paix.
Les législatives de dimanche 31 juillet, où les 165 sièges de l’Assemblée nationale sont mis en jeu, oppose principalement deux camps: la majorité présidentielle réunie autour de « Benno Bokk Yaakaar » (Unis dans l’espoir) et la principale coalition de l’opposition, « Yewwi Askanwi » (Libérer le peuple, en wolof).