Cinq joueurs, bien plus que les autres, ont illuminé le parcours des Lions. Coup de projecteur.Le football est un sport collectif dans lequel les individualités jouent un rôle déterminant. Si elles oublient leur ego pour se mettre au service du groupe, une redoutable machine s’enclenche.
Aliou Cissé a le mérite d’avoir réussi à bâtir une équipe solidaire. Tous les 27 joueurs sélectionnés pour prendre part à la 33e édition de la Coupe d’Afrique des nations ont apporté leur pierre à l’édifice.
Le comportement exemplaire sur le banc de l’attaquant Keita Diao Balde, peu utilisé lors de cette campagne, a montré l’état d’esprit dans la tanière. Il n’y avait pas de place pour le moi « haïssable » selon le philosophe Blaise Pascal.
Sur les pelouses camerounaises, les Lions ont poussé et souffert ensemble. L’avant-centre Famara Diédhiou, dans les phases défensives, a prêté main forte à l’arrière-garde notamment sur les coups de pied arrêtés adverses. On peut en dire autant pour les défenseurs qui ont créé le surnombre par-ci et fait la différence par-là.
C’est dire que la victoire aux tirs au but devant l’Égypte, septuple championne d’Afrique, est une œuvre collective. Mais des joueurs ont particulièrement marqué de leur empreinte cette mirifique épopée.
Édouard Mendy, l’araignée
Élu en 2021 meilleur gardien de l’année par la Fédération internationale de football association (Fifa) et l’Union des fédérations européennes de football (Uefa), le natif de Montivilliers (France) a tenu son rang dans cette Can.
Testé positif à la Covid-19 au début du tournoi, le portier de Chelsea FC (Angleterre) a efficacement été suppléé par Seyni Dieng face au Zimbabwe et à la Guinée. À son retour à la compétition, à partir du troisième match de groupe contre le Malawi, Édouard Mendy a répondu aux attentes de son coach jusqu’en finale.
Face à l’Égypte, l’ancien sociétaire de Rennes (France) a maintenu son pays en vie. D’une main ferme, Édouard Mendy a détourné les missiles de Mohamed Salah (42e minute) et Marwan Hamdy (116e minute).
Rarement performant dans la séance des tirs au but, Édou est chanceux de voir la tentative de Mohamed Abdelmonem heurter le poteau avant de remporter son face-à-face avec Mohanad Lasheen. Il a ainsi offert la balle de match à Sadio Mané. Ce qui lui vaut le titre de meilleur gardien de la Can 2021.
Abdou Diallo, la force tranquille
Dans les instants qui ont suivi la qualification en demi-finale du Sénégal aux dépens de la Guinée équatoriale, le défenseur du Paris Saint-Germain (France) a rejoint ses partenaires dans le vestiaire pour tenir un discours d’anthologie : « Depuis le début du tournoi, on nous sous-estime. Personne ne nous prend pour un favori parce que soi-disant on joue mal. Aujourd’hui, tout le monde va dire qu’on est favori parce que le Maroc est sorti. Ne vous laissez pas avoir. Il n’y a pas de favori ici. On n’a encore rien fait. On est contents ce soir, mais dès demain on se remet au travail ».
Quelle lucidité ! Abdou Diallo a tout l’air d’un ancien de la sélection. Il a pourtant rejoint les Lions en mars 2021. Leader dans l’âme, le joueur formé à l’AS Monaco (France) s’est immédiatement imposé comme un titulaire indiscutable.
Associé à Pape Abou Cissé puis Kalidou Koulibaly dans la charnière centrale, le gaucher de 25 ans a disputé l’intégralité de la compétition. Solide dans ses interventions, Diallo a même magnifiquement débloqué le compteur du Sénégal contre le Burkina sur un corner.
Saliou Ciss, la belle surprise
Baye Zale, comme le surnomment ses proches, a épaté son monde. Dans la lignée de ses précédentes prestations en équipe nationale, le latéral de l’AS Nancy (France) a dévoré son couloir.
Formant un tandem avec Sadio Mané, Saliou Ciss a proposé des solutions de passe à son coéquipier avec entre autres des dédoublements. Face à la Guinée équatoriale, le grand-frère de Pathé Ciss a amorti de la poitrine une transversale de son capitaine, foncé dans la surface et adressé un centre millimétré à Ismaïla Sarr qui a ouvert son pied droit pour pousser le ballon au fond des filets. Ce but a enterré les espoirs d’égalisation du Nzalang nacional entretenus par Jannick Buyla.
En finale, sur une action similaire, le défenseur de 32 ans a obtenu un pénalty raté par Sadio Mané. Saliou Ciss, dont les convocations en sélection ont souvent été incomprises, a rendu des copies propres.
Un entraîneur français, au cours d’une discussion sur l’avenir du foot sénégalais avant la Can 2021 avec Mame Fatou Ndoye, journaliste sportive à la Télévision Futurs Médias (TFM, privée), avait soutenu que « le Sénégal ne pourra prétendre à gagner les grandes compétitions que quand il aura réglé le problème de ses latéraux ». Il avait vu juste car sur le flanc droit, Bouna Sarr a également rempli sa mission.
Nampalys Mendy, la sentinelle
Mis au placard à Leicester (Angleterre) par Brendan Rodgers, ce milieu a rayonné dans l’entrejeu. Nampalys Mendy a éclipsé Idrissa Gana Guèye et Cheikhou Kouyaté.
L’ancien capitaine de l’OGC Nice (France) a été un essuie-glace pour les défenseurs et un habile passeur pour les attaquants. Désigné « homme du match » en quarts de finale, Nampalys s’est vite acclimaté au foot africain.
L’activité du trapu athlète a souvent permis au Sénégal de gagner la bataille primordiale du milieu. À 30 ans, Nampalys Mendy, qui a vu le jour à La Seyne-sur-Mer (France), est désormais un élément de base de l’équipe-type d’Aliou Cissé.
Sadio Mané, le guide
Le numéro 10, dans une vidéo postée avant le coup d’envoi de la compétition, avait promis à son peuple de rentrer à la maison avec la coupe. Sadio Mané a tenu parole. L’enfant du village de Bambaly, dans le Sud du Sénégal, a inscrit sur pénalty l’unique but des Lions au premier tour.
Dans la seconde phase, le produit de l’Académie Génération Foot a porté son équipe. Face à Cabo Verde, l’ailier de Liverpool (Angleterre) a mis son pays sur orbite en marquant le but libérateur. Quelques minutes auparavant, Mané était groggy après un choc avec le gardien Vozinha finalement expulsé.
En quarts de finale, l’ex-joueur de Red Bull Salzbourg (Autriche) a servi un caviar à Famara Diédhiou pour l’ouverture du score. Une montée en puissance qui se confirme encore contre le Burkina.
Sur une action anodine, Sadio Mané a mis la pression sur le défenseur axial Issoufou Dayo, lui a chipé la balle et trouvé en retrait Idrissa Gana Guèye décisif. Quand Blati Touré a réduit le score (1-2), le Sénégal n’a pas longtemps douté. Son maître à jouer, lancé en profondeur par Ismaïla Sarr, a conduit parfaitement le cuir pour tromper Soufian Farid Ouédraogo d’un astucieux lob du pied gauche.
Pour l’apothéose face aux Pharaons d’Égypte, Mané a manqué un pénalty. Fort mentalement, il a essayé de se racheter durant toute la partie. Et lorsque la séance fatidique des tirs au but tant redoutée arriva, il ne s’est pas dégonflé.
Le Joueur africain de l’année 2019, en position de 5e tireur, a vaincu la peur. D’une frappe supersonique, au ras du poteau, le prodige a donné la victoire à sa nation. Le Sénégal tient enfin sa première étoile.