Ces dernières années, le continent noir subit les conséquences de crises qu’il n’a pourtant pas provoquées.« L’Afrique sous le triple choc pandémique, climatique et géopolitique ». C’est le thème du 3e rapport économique de l’influent Think tank marocain Policy Center for the New South (PCNS) dont la présentation a eu lieu vendredi 4 novembre à Rabat.
À l’ouverture des travaux par visioconférence, Fathallah Oualalou, chercheur senior au PCNS, a déclaré que « ce rapport met en évidence les trois chocs qui ont traversé le monde ces dernières années, mais qui ont affecté l’Afrique ».
« Le premier, c’est le choc pandémique 2020/2021. Le deuxième est géopolitique avec la guerre en Ukraine et ses conséquences pour l’Afrique dans le domaine énergétique aussi bien pour les pays producteurs que pour les pays importateurs, mais aussi alimentaire et économique. Le troisième choc est climatique », explique M. Oualalou.
Coordinateur du rapport annuel du PCNS sur l’économie en Afrique, Larabi Jaidi soutient que l’activité économique sur le continent a été perturbée par les restrictions mises en place pour lutter contre la Covid-19, malgré le faible taux de prévalence. Pour amortir le choc, l’Afrique croyait pouvoir compter sur son secteur informel qui, selon le chercheur Akram Zaoui, « a toujours joué un rôle d’amortisseur dans des moments de récession en permettant à une certaine catégorie de travailleurs de basculer dans le secteur informel ».
« Avec le coronavirus, c’est le secteur informel qui a été le plus impacté et au lieu de jouer le rôle de stabilisateur économique, l’informel a joué un rôle de déstabilisateur », fait noter M. Zaoui lors du premier panel consacré aux performances, vulnérabilités et transformations en Afrique
Au sujet du choc climatique, le constat n’est pas non plus reluisant, selon les conclusions du rapport présentées à un public trié sur le volet ce vendredi. « L’Afrique représente l’une des régions les plus touchées par le réchauffement climatique », rapporte Larabi Jaidi, relevant qu’elle « fait face en 2021 à un nombre élevé de chocs naturels liés au climat : la diminution des précipitations montre une augmentation du stress hydrique dans diverses régions du continent, particulièrement en Afrique du Nord, de l’Ouest et en Afrique australe ».
À l’en croire, « les caractéristiques économiques de la plupart des pays d’Afrique, notamment dans les régions subsahariennes, ont amplifié les effets du changement climatique sur l’état social des populations ». Ce qui fait du changement climatique une réelle menace pour la stabilité des prix et la stabilité financière des pays d’Afrique.
Le continent noir doit aussi faire face à un troisième choc lié à la guerre russo-ukrainienne. En février dernier, la Russie a lancé une opération de « dénazification » en Ukraine voisine, entraînant des conséquences sans précédent sur le commerce international. « L’Afrique a connu la récession la plus grave de son histoire », souligne le rapport du PCNS, précisant que « le choc a pesé à travers un certain nombre de canaux ».
« Le premier concerne le prix des matières premières. La guerre en Ukraine n’affecte pas seulement le prix de l’énergie, mais aussi ceux d’un ensemble de matières premières, notamment les produits alimentaires », explique M. Jaidi. Selon ce dernier, « le deuxième canal est celui des tensions financières et plus globalement de l’incertitude qui affectent négativement l’investissement et la consommation ».
Enfin, « le troisième est celui du commerce extérieur. Au-delà du canal de la demande externe, il est probable que les économies soient aussi affectées par des perturbations sur les chaînes de production », détaille-t-il, prédisant « un risque croissant d’insécurité alimentaire et de troubles sociaux » pour « les pays fortement dépendants des importations de céréales en provenances d’Ukraine et de Russie tels que l’Égypte, le Maroc, la Tunisie, le Sénégal et la Tanzanie ».
Le malheur, c’est que « tant qu’il n’y a pas de possibilités de sortie de crise, il y aura toujours cette incertitude dans l’avenir ». En revanche, tout ne semble pas perdu. Face à ces chocs, « l’Afrique est porteuse d’espoir », soupire Fathallah Oualalou, préconisant « la nécessité de transformer les tissus productifs des pays africains, de diversifier leur économie pour qu’ils puissent sortir progressivement de leur dépendance par rapport aux matières premières ».